1-URBANISME
- Preuve de l’affichage d’une autorisation d’urbanisme : la photo d’un smartphone ne suffit pas !
⇒Rappel : le délai de recours contre une autorisation d’urbanisme est de deux mois à compter du premier jour d’affichage aux abords du terrain du projet (R. 600-2). Pour prouver que le délai est purgé, le pétitionnaire doit démontrer que cet affichage a été continu pendant ces deux mois.
Le Conseil d’Etat vient de rappeler ces règles et de préciser que cette preuve ne peut pas être rapportée par des photographies réalisées par le pétitionnaire lui-même. Il soutenait que les métadonnées numériques associées aux photographies permettaient de justifier des dates d’affichage.
Ce mode de preuve est écarté car il existe des possibilités techniques de modifier ces métadonnées (CE, 10 mars 2025, n°472387).
En pratique : le constat par un Commissaire de justice reste le meilleur mode de preuve de l’affichage continu : trois PV doivent être réalisés : le 1er jour – au bout d’un mois et le dernier jour du délai.
- Dérogation aux règles de stationnement par des véhicules électriques ou en autopartage : seulement si le PLU le prévoit !
⇒Rappel : Le nombre de places de stationnement prévu par le PLU peut être réduit à 15% si des véhicules électriques munis de dispositifs de recharge ou des véhicules en autopartage sont prévus par le projet en contrepartie (article L. 151-31 du Code de l’urbanisme).
La Cour administrative d’appel de Bordeaux a, récemment, jugé que ce dispositif est applicable seulement si le PLU l’a prévu en précisant le nombre de véhicules requis pour appliquer la dérogation (CAA de Bordeaux, 3 avril 2025, n°24BX01499).
Cette décision restreint l’usage de cette dérogation qui peut s’avérer intéressante dans de nombreux projets. Il serait intéressant que le Conseil d’Etat soit saisi de cette question.
- Attention à l’exhaustivité des conclusions du commissaire enquêteur en cas d’approbation ou de révision d’un PLU
Le Tribunal administratif d’Orléans a censuré un PLU en raison de l’insuffisance de l’enquête publique. Les magistrats ont retenu que la commission d’enquête n’avait pas procédé à une analyse ni émis d’avis sur le projet de document d’urbanisme. Le rapport était principalement descriptif. Le travail de la commission d’enquête ne relevait aucune analyse globale justifiant l’avis favorable délivré.
Le Tribunal a laissé un délai de 6 mois à la collectivité pour régulariser la situation (TA d’orléans, 20 mars 2025, n°2203439).
- Sortie du domaine public : la condition de désaffectation est assouplie !
⇒Rappel : Pour sortir un bien du domaine public, deux conditions sont nécessaires : le déclassement (acte formel de sortie du bien du domaine public) et la désaffectation (suppression effective des équipements et de l’utilisation du bien pour les besoins de la collectivité) – article L. 2141-1 du Code général de la propriété des personnes publiques.
La sortie du domaine public est une condition préalable à la cession.
Le Conseil d’Etat vient de nuancer la condition de désaffectation.
Une communauté urbaine souhaitait céder une partie de son marché au gros. L’appartenance au domaine public était avérée car la vente des denrées était d’intérêt général. Pour justifier de la désaffectation, la communauté urbaine avait modifié le règlement intérieur des halles en excluant de son périmètre la partie qu’elle souhaitait céder. Mais les activités commerciales existantes dans ces parties des halles ont continué à s’exercer.
Les juges d’appel avaient censuré les actes administratifs ayant entériné la cession car la simple modification du règlement intérieur ne constituait pas une désaffectation matérielle – il aurait fallu arrêter les commerces présents dans ces locaux. La Cour administrative d’appel de Toulouse s’est alignée sur la position jurisprudentielle classique en la matière (CAA de Toulouse, 11 juillet 2023, n°21TL03516).
Le Conseil d’Etat a censuré cette décision en retenant que la modification du règlement intérieur était suffisante car les biens concernés ne faisaient plus partis du périmètre des halles (CE, 12 mars 2025, n°488167).
- Action possible en référé devant le Juge judiciaire pour obtenir la suppression d’aménagements réalisés sans autorisation d’urbanisme
La Cour de cassation confirme qu’une collectivité locale peut saisir le Juge civil en référé pour obtenir la démolition de travaux réalisés sans autorisation d’urbanisme ou la mise en conformité, sous astreinte financière.
De tels aménagements constituent des troubles illicites permettant au Juge des référés de prononcer des condamnations (Cass., Civ. 3ème, 20 mars 2025, n°23-11.527 – article 835 du Code de procédure civile).
La Cour de cassation a même précisé que la collectivité peut être autorisée à faire réaliser les travaux aux frais du contrevenant (Cass., Civ. 2ème, 27 mars 2025, n°22-12.787).
- Absence d’autorisation de la copropriété pour agir en justice : seuls des copropriétaires peuvent le soulever
Le Conseil d’Etat a précisé que seuls des copropriétaires peuvent opposer une irrecevabilité d’un recours initié par un syndicat de copropriétaires sans accord de l’assemblée générale.
Un syndicat de copropriétaire avait initié un recours contentieux contre un permis de construire et le Tribunal administratif de Toulon avait opposé d’office l’irrecevabilité du recours en l’absence d’autorisation préalable donnée par l’assemblée générale des copropriétaires.
Le Conseil d’Etat censure ce jugement en retenant que seuls des copropriétaires peuvent opposer ce point et que le juge ne peut pas relever d’office cette difficulté (CE, 9 avril 2025, n°492236).
- Préemption d’un bien indivis : un seul indivisaire est recevable pour contester
Un indivisaire est recevable pour demander l’annulation d’une décision de préemption de son immeuble même s’il n’a pas l’accord des autres indivisaires du bien (CE, 7 mars 2025, n°490933).
- Refus d’autorisation d’urbanisme : impossibilité d’opposer l’absence de prescription
⇒Rappel : les prescriptions constituent des modifications et exigences opposables au projet pour qu’il soit conforme aux règles d’urbanisme.
Le Conseil d’Etat vient d’apporter une précision majeure concernant le contentieux des refus d’autorisation d’urbanisme.
Le pétitionnaire ne peut pas obtenir l’annulation d’un refus en arguant que l’administration aurait dû délivrer l’autorisation en assortissant la décision de prescriptions (CE, 11 avril 2025, n°498803).
2-CONTRATS ET MARCHES PUBLICS
- Pas d’indemnisation pour le concurrent évincé en cas de déclaration sans suite !
Un syndicat intercommunal avait lancé une procédure adaptée pour la passation d’un marché de maîtrise d’œuvre.
Un candidat évincé a initié un recours indemnitaire afin de solliciter l’indemnisation de son manque à gagner en raison de son éviction irrégulière de la consultation. Mais le syndicat acheteur a déclaré sans suite la consultation en raison d’une irrégularité entachant la consultation.
La Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé que le candidat ne pouvait pas obtenir l’indemnisation de son manque à gagner en raison de ce classement sans suite qui conduit à l’absence de signature du marché dont la consultation était contestée (CAA de Toulouse, 1er avril 2025, n°23TL01536).
- Le paiement des travaux supplémentaires en cas de prix forfaitaire
⇒Rappel : Le titulaire a droit au paiement des travaux supplémentaires en cas de prix forfaitaire :
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- S’ils sont demandés : par le maître d’ouvrage et/ou le maître d’œuvre par un ordre de service ou non et même verbalement ;
- S’ils n’ont pas été demandés : à condition qu’ils aient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.
Le Conseil d’Etat a, récemment, rappelé ces principes et a censuré la Cour administrative d’appel de Marseille ayant refusé le paiement de travaux supplémentaires demandés par le maître d’œuvre sans ordre de service (CE, 17 mars 2025, SOCIETE EIFFAGE CONSTRUCTION SUD-EST, n°491682).
- Point de départ de la garantie décennale
Par cet arrêt récent, la Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé le point de départ de la garantie décennale :
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- Pour des désordres affectant une partie de l’ouvrage n’ayant pas fait de réserve à la réception : la garantie décennale commence à courir à compte de la date d’effet de la réception ;
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- Pour les désordres affectant une partie d’ouvrage ayant fait l’objet de réserves à la réception : la garantie décennale commence à courir à compter de la date de levée des réserves (CAA de Marseille, 11 avril 2025, n°24MA03072).
- Conséquences de la modification importante d’un DCE
La Préfecture de police de Paris avait lancé un appel d’offres ouvert pour la passation d’un marché public de fourniture d’équipements. En cours de procédure, l’acheteur avait modifié les caractéristiques d’échantillons devant être transmis par les candidats sans augmenter la durée de préparation des offres.
Un concurrent évincé a initié un référé précontractuel et obtenu l’annulation de la consultation par une ordonnance du Tribunal administratif de Paris.
Le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation en rappelant que l’acheteur peut modifier les documents de la consultation en cours de procédure mais en cas de modification substantielle – il doit augmenter la durée de la préparation des offres afin de permettre aux candidats de disposer d’un délai suffisant (article R. 2151-4 du Code de la commande publique).
Le Conseil d’Etat estime que le changement des caractéristiques des échantillons constituait une modification substantielle du DCE exigeant un rallongement du délai de préparation des offres – en ne procédant pas ainsi l’acheteur a méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence (CE, 24 mars 2025, n°499221).
3-RESPONSABILITE
- Conséquence d’une information erronée d’un syndicat des eaux concernant le raccordement au réseau d’assainissement
Un syndicat mixte de gestion des eaux avait émis un avis de conformité sur le système d’assainissement individuel d’un bien. Ce document avait été sollicité par l’acquéreur.
Or, cet avis s’est avéré inexacte.
La Cour de cassation a, récemment, indiqué que l’acquéreur peut engager la responsabilité du syndicat des eaux et obtenir sa condamnation à l’indemniser de l’intégralité du coût de mise en conformité du système d’assainissement individuel (Cass., Civ. 3 , 20 mars 2025, n°23-18.472).